Classements 2011, News, Palmarès de la Diagonale des Fous

[toc class= »toc-right »]

22H, au premier coup de canon, Cap Méchant

crache sa horde de fous dans un vacarme assourdissant. Enfin libres, les 2400 adeptes du Grand Raid composent ce long faisceau lumineux qui serpente sur les pentes du Piton de la Fournaise.

Les plus virulents ont maintenant expulsé leur trop plein d’énergie et reprennent un rythme de croisière.

Sur la piste qui nous mène au « Sentier Volcan », nous courons de front avec Julien Chorier en relançant chacun notre tour, presque par jeu. Au premier pointage, mon bracelet électronique ne fonctionne pas, Julien prend le large… Ce magnifique sentier, qui ne cesse de raconter les innombrables fois où le magma s’est solidifié, est superbe et les 2300m de dénivelé sont avalés avec appétit. Maintenant Freddy Thevenin m’a rejoint et nous revenons sur Julien. L’année dernière, dans un épais brouillard à cet endroit, je m’étais calé dans la foulée de Freddy qui connait bien les difficultés de ce sentier.
Je relance et mes Speedtrail me poussent à imposer mon rythme, après tout, pourquoi pas ?!

Freddy ne suit pas et avec Julien nous passons Foc-Foc, le volcan avec 30’ d’avance sur les prévisions, La Plaine des Sables puis l’oratoire Ste-Thérèse pour débouler au Piton Textor où je me restaure, change de Tee-shirt et range coupe-vent et bonnet.

La descente de Mare à boue est très glissante et je reste très prudent. Freddy me passe comme une balle. Je me recentre sur mes sensations et cours seul, détendu laissant ferrailler mes deux compagnons d’échappée.

La descente sur Bébour

est extraordinairement périlleuse et exige un engagement et une vigilance à chaque instant. Ici la végétation luxuriante tient le sol abrupt dans ses racines. Pas de risques.
La forêt de Bélouvre déroule son tapis de boue et scotche nos semelles avalant notre énergie sans modération: glissades, roulé boulé, coup de tête dans les branches de cette jungle, dans la boue jusqu’aux genoux, soyez les bienvenus dans Salazie!
Les rayons de soleil percent par alternance la végétation laissant une féérique place aux chants des oiseaux, puis disparaissent au profit de sombres ravines dans lesquelles s’empilent méthodiquement les étages de feuillus. Enfin sorti de ce bourbier, je rejoins la tête de course et en trio harmonieux nous dévalons vers Hellbourg.

Tandis que je me ravitaille et répond aux questions des journalistes locaux, Julien et Freddy reprennent de l’avance. Cap Anglais se dresse devant nous baigné dans la lumière d’un ciel d’un bleu arrogant. La longue ascension passe dans des nuages, ce qui nous préserve du bruit des hélicos et nous laisse le plaisir d’entendre la forêt s’éveiller. La boue m’a fatiguée et je relâche le rythme laissant filer mes camarades sur Cilaos. Je titube et manque de lucidité, même pas mal, je vais ralentir en attendant que cela revienne.

Le cirque de Cilaos

offre sa beauté magique et les jambes reviennent. L’accueil puissant au sortir de la descente du bloc dynamise mon capital énergie et à Cilaos Ombeline me tend ses fameuses boulettes de riz et barres énergétiques maison.

[adsense]

Je profite de la cascade de Bras Rouge pour me plonger dans l’eau et me laver habillé, le soleil est au zénith et les pentes du Taîbit sont une fournaise. Au départ du sentier, je reprends mes vivres pour Mafate et reprends quelques boulettes de riz. Ombeline est concentrée et me livre une assistance parfaite, quelle équipe !

Le Taîbit ne m’y prendra pas cette fois

, je sais qu’il se joue de son profil pour me laisser espérer le sommet en d’innombrables fausses sorties cachant de nouveaux pitons à gravir, « ti pas ti pas lé bon » !

Mafate expose sa splendeur sauvage dont les sentiers aménagés par la main de l’Homme respectent chaque caprice de la roche et de son érosion. Dans Mafate, l’Homme s’est adapté à la nature, humblement, le résultat est édifiant. Les sentiers sont des livres ouverts où la progression n’est aisée que si l’on prend le bon tempo. Une danse… peut être.

Le ciel voilé nous épargne de la chaleur et j’enchaîne les saveurs du cirque en musique, émerveillé par tant de pureté. Marla, Trois Roches, le sentier est si varié que j’en oublie la difficulté, je suis heureux. Heureux de voir le sourire d’Anne-Marie qui m’accueille à Roche Plate pour me relancer vers les Orangers où des groupes, des familles dispersées dans les falaises encouragent sans retenue. MERCI.

Il est temps de traverser et retraverser la Rivière des Galets

en bondissant entre les boules de pierres polies. Toujours seul avec la nature et la musique, j’entame avec sérénité le mur de Dos d’Ane, cette falaise abrupte qui culmine 1000m plus haut, cette paroi de gorge résume la toute puissance de l’eau et du temps, à mi hauteur on y passe au raz, 600 m plus bas la Rivière des Galets serpente. Je reprends Freddy qui lutte contre les crampes et lui donne un tube de Sporténine.
J’observe la tenue des gens qui descendent pour encourager et estime la sortie de la montée en fonction de leur équipement et cela fonctionne assez bien, surtout à l’apparition des sacs à mains et des chaussures cirées !!
La descente sur le ravito est très technique et je n’arrive pas à y trouver un rythme, je perds du temps et Freddy revient sur moi. Je suis nauséeux.

On est de retour aux affaires

et maintenant que j’ai bien profité de la majesté des trois cirques il va falloir faire le métier. Les chemins sont maintenant entrecoupés de portions goudronnées où les journalistes à motos viennent régulièrement faire des points sur les écarts et les états des rescapés.

Le chemin de la Cala (ndlr : plutôt Kalla) qui nous amène à la Possession ne me réussit guère, je m’alimente plus encore. Nous revenons à la civilisation, les cris des enfants remplacent les chants des oiseaux. Les cailloux sont érigés en maison, les gens dansent et nous fêtent avec ferveur. La nuit fait sont come back .

L’usant Chemin des Anglais

est constitué de gros galets ronds inégaux sur lesquels il est souvent impossible de faire deux pas de la même longueur. A ce petit jeu je reprends 9 minutes en 6 kilomètres à Freddy et pense à la deuxième place.

Derrière la chasse s’organise : Mussard à 19’, Guillon et Trivel à 22’, Lanne à 27, il ne faut pas trainer. Les places d’honneur sont en jeu et mes poursuivants ne sont pas des manches.
C’est alors que je me jure de ne pas me retourner et de tout donner, j’accélère, les jambes répondent, ne pas marcher, courir détendu, donner de l’amplitude malgré les douleurs, fréquence, fréquence!!!

J’enchaîne les montées en courant et arrive à « la Fenêtre », contrôle et poinçon, encore 15 minutes et je file sur Colorado. J’accélère encore et monte le son de la musique. J’ai 160 bornes dans les pattes et je descends sans retenue, mon amplitude musculaire est intacte, ma concentration maximale.

Les lumières du stade

doivent se voir maintenant mais je m’interdis de lever la tête, trop risqué. Un journaliste embusqué me tend un micro mais il a du mal à suivre, je le distance par jeu à la faveur d’une portion technique.

Le stade m’accueille dans un vacarme nourri, Seb Chaigneau me prend dans ses bras, une forêt de micros se tend, ça y est, c’est fini. Ombeline me regarde avec un sourire qui illustre cette complicité énergisante qui me permet de boucler en 24 h 20 ce truc de fou.

Antoine et Lionel arrivent

, la victoire par équipe est acquise. Karine est passée à Dos d’âne, il ne lui reste plus qu’à rentrer.

Un peu nostalgique de quitter ces lieux sauvages où l’énergie magmatique est visible et palpable, où la végétation tient dans ses racines la verticalité des mouvements de terrain.
Saluons aussi la performance de Mafate qui a su se préserver de la technologie de l’Homme sans lui en interdire l’accès.

Le classement au patrimoine mondial

de l’UNESCO est une sacrée bonne chose.

Pascal Blanc


[adsense]


Classements, News, Palmarès de la Diagonale des Fous 2011 et éditions précédentes